La tristesse

Dans la tradition énergétique chinoise, l’émotion associée au Poumon est la tristesse. Nous retrouvons bien cette sensation un peu mélancolique et légèrement dépressive qui nous peut traverser en cette saison. En repartant de la définition des émotions, nous allons pouvoir savoir de quoi elle retourne et pourquoi advient-elle. Une émotion est une information sensitive que notre corps nous envoie (en direction de notre Cœur, demeure de notre conscience) pour nous alerter qu’un de nos besoins de base est en difficulté. La tristesse ne déroge pas à cette définition : nous ressentons de la tristesse lorsque notre besoin d’être en lien est en difficulté.
Le mouvement de la tristesse : une fermeture vers l’intérieur et vers le bas
Avant de préciser à quelles expériences et situations cela renvoie, il nous semble intéressant de nous attarder un peu sur ce que provoque en nous cette tristesse. En premier lieu, la tristesse provoque en nous de la fermeture envers l’extérieur. Nous retrouvons ici un des moments du fonctionnement de la frontière : celui qui est de se fermer. Ainsi, lorsque nous sommes tristes, nous avons instinctivement les épaules qui se ferment comme pour protéger notre cœur mais aussi de nous fermer de l’extérieur avec le dos qui se voûte. Au niveau physiologique, les gens qui sont tristes de manière récurrente ou qu’ils l’ont été (durant l’enfance notamment et dont le mouvement s’inscrit parfois jusque dans leur squelette) se repèrent ainsi facilement par cette courbure du dos et cette fermeture du thorax autour du cœur.
Cette dimension de fermeture de l’énergie de l’automne se retrouve également dans la sensation énergétique qu’elle produit en nous : lassitude, épuisement, impuissance, vide d’énergie… « Tout devient difficile », entend-t-on souvent : et pour cause, l’énergie de la tristesse comme celle de l’automne est une énergie qui va de l’extérieur vers l’interne et qui plus est, vers le bas (contrairement à la colère, plus printanière, qui va à l’inverse vers le haut et vers l’extérieur). Elle accompagne et provoque ce repli vers l’intérieur. Du coup, elle contrevient fortement au mouvement de l’énergie nécessaire pour agir dans le monde et entrer en relation qui va de l’individu vers l’extérieur : tout devient ainsi pénible, chaque tentative de mise en mouvement, de tentative de relationner demande un effort incommensurable et épuisant. Nous perdons courage et espoir. ..
De plus en allant vers le bas, la tristesse nous donne l’impression d’une fatigue plombante qui nous cloue au sol. Qui plus est, cette première impression se double d’une autre encore plus effrayante : la sensation qu’elle va nous engloutir, qu’elle est un puits sans fond dans lequel on risque de disparaître.

La tristesse, une énergie qui « plombe ». Ici le personnage de « Tristesse » dans le dessin animé Vice-et-versa (2015)
Il est bon de rappeler ici que si ces sensations liées à la tristesse sont puissantes, elles témoignent beaucoup plus de la direction du mouvement même de cette énergie (vers l’interne et vers le bas) que d’une réalité. Tout comme la colère qui nous donne le sentiment illusoire et dangereux de la toute-puissance, la tristesse nous donne l’impression tout aussi illusoire d’un engloutissement fatal et d’une fatigue insurmontable. Ce rappel est important car il va être soutenant au moment où il va falloir traverser et éprouver cette tristesse : non, elle ne va pas nous engloutir et non cette fatigue n’est pas insurmontable car elle est passagère.
Quand notre besoin de lien est en peine
Nous venons de voir que la tristesse surgit lorsque notre besoin d’être en lien est en difficulté. Les différentes expériences de tristesse renvoient en réalité à deux types de liens qu’il faut distinguer. Le premier est le lien qui nous attache aux autres être humains (mais aussi en réalité aux autres êtres qui peuplent le monde : les animaux, les paysages. Nous nous tenons ici principalement au lien avec les autres humains). En effet, nous sommes tristes en cas de séparation, de rupture, de deuils, de changements importants où un ou plusieurs liens qui constituaient de manière conséquence notre espace relationnel, n’est ou ne sont plus : lorsque nous nous séparons, lors d’un décès, lors d’un déménagement, lors d’un départ (fin de vacances etc.). Ce lien important pour nous ne va plus être nourri pour toutes ces différentes raisons, fragilisant notre besoin d’être en lien, nous humains , être immensément social.

Et plus ce lien remplissait une part importante de ce espace relationnel, et plus notre tristesse sera intense. C’est pour cela que une séparation avec un proche (conjoint-e, enfant, parent, ami-e, animal de compagnie), et plus encore en cas de décès, nous affecte d’avantage, procure en nous une forte tristesse, plus que, par exemple, le décès d’un voisin avec lequel nous n’avions pas de liens. Plus nous sommes liés et plus nous risquons d’être triste un jour… Mais cette tristesse est avant tout saine et bonne : elle témoigne de l’attachement à ces personnes et de notre capacité à être en lien. Elle est au cœur de notre condition humaine. L’éprouver, c’est le signe qu’on est en vie !
Comment dépasser notre tristesse ?
Si la tristesse fait partie de notre condition humaine, il n’est pas souhaitable d’y rester plus longtemps qu’il ne faut (même si ce temps peut être long en cas de décès…) et il est bon de l’épuiser, de la dépasser. Nous l’avons vu, la tristesse nous « plombe » et nous donne l’impression de sombrer. En cela, elle n’est guère attirante et la plupart d’entre nous sommes mal à l’aise avec elle. Même lorsqu’elle n’est que superficielle, nous la regardons avec méfiance et nous cherchons plutôt à l’éloigner. Or, c’est bien tout le contraire qu’il faut faire ! A l’instar des autres émotions, pour que la tristesse s’amenuise et disparaisse, il faut au contraire la traverser ou plus précisément la ressentir car c’est ainsi que l’information qu’elle contient va pouvoir être intégrée dans notre conscience. Car une fois cette intégration réalisée, l’émotion n’a plus d’utilité : le job est fait en quelque sorte et le corps, rassuré qu’il ait été entendu, cesse de nous envoyer cette information émotionnelle. Bien sûr, entre le départ d’un collègue avec qui on s’entendait bien et le décès d’un proche, ce travail d’intégration est bien différent et prendra plus de temps dans une situation que dans l’autre. Pourtant, il s’agit bien d’un processus identique dans les deux cas.
En pleurant ou en la ressentant…
Et comment ressentons-nous la tristesse : hé bien, le plus simple est de pleurer ! Le fait de pleurer fait circuler cette information que l’on va pouvoir intégrer et va donc épuiser notre besoin de tristesse. Ainsi, paradoxalement, celui ou celle qui ne pleure pas par méfiance envers sa tristesse, restera triste et risquera d’être englouti par sa tristesse. Et inversement : celui ou celle qui « se risque » à sa tristesse verra bientôt celle-ci s’estomper. On peut même parier que les gens joyeux pleurent plus souvent qu’à leur tour…. Mais finalement, connaissons-nous pas bien cette sagesse : pleurer fait du bien et apaise.

Le pleurs est la manière la plus instinctive et facile de ressentir sa tristesse. Nous pouvons aussi chercher à simplement à ressentir notre tristesse (et cela sans qu’elle provoque nécessairement des pleurs) par des exercices méditatifs dont le but va être de « respirer » sa tristesse. Nous vous en présentons un ici.
Nous avons évoqué pour l’instant un seul type de lien dont la mise en difficulté nous rend triste : le lien aux autres. L’autre type de liens qui produit une tristesse peut-être encore plus difficile est celui qui nous lie à nous-mêmes. C’est celui que nous examinerons plus dans l’article sur la dépression.