La dépression
Tout comme la tristesse, la dépression est reliée en énergétique chinoise à un vide d’énergie au niveau du Poumon. Sur bien des points, les symptômes de la dépression s’apparentent d’ailleurs à ceux de la tristesse : fermeture, fatigue intense, difficultés à relationner, sensation d’isolement… Pourtant, il semble important de différencier tristesse et dépression car ils ne participent pas du même processus. C’est ce que nous allons examiner ici.
Nous avons vu dans un article précédent que la tristesse survient lorsque notre besoin d’être en lien est en difficulté. Ainsi, en cas de séparation, de déménagement ou de départ, de décès d’un proche, nous ressentons de la tristesse parce que les liens qui nous unissaient à ces personnes qui s’éloignent ou qui ne sont plus, ne sont plus nourris. Cette tristesse est donc liée aux liens que nous entretenions avec des êtres extérieurs. La dépression dans ses différentes formes tient d’avantage d’une difficulté du lien à soi que du lien à l’autre, ce qui la différencie fondamentalement d’une simple tristesse. Une séparation peut provoquer chez nous une forte tristesse. Elle ne tient pas cependant pas de une dépression. En réalité, la dépression est d’avantage l’aboutissement douloureux d’un processus d’exil de soi installé au fil du temps.
Nous appelons exil de soi le fait d’être coupé de ses ressentis, de ses émotions, d’être absent de ce qui constitue le propre de notre individualité : la manière de ressentir notre être au monde. Sans rentrer dans une discussion théorique sur le sujet, nous postulons que la singularité d’un individu tient d’avantage à sa manière de ressentir ses propres expériences humaines qu’à, par exemple, ses qualités intellectuelles comme peut d’avantage le soutenir la tradition philosophique occidentale. Dans la conception de l’individu que nous portons, l’exil de soi procède donc par conséquent de la coupure avec ses propres ressentis. Une autre façon de dire les chose de manière plus légère est de dire que lorsque nous ne sommes « que » dans notre tête de manière permanente, nous tendons à devenir des robots, c’est-à-dire des sortes de machines hyper-fonctionnelles mais sans âme et/ou sans ressentis.
Bien sûr, se couper de ses propres ressenti est une expérience que nous faisons toutes et tous régulièrement et nous devenons régulièrement, tout un chacun-e-s, des sortes de petits robots hyper-fonctionnels. Les conditions de vie urbaine, hyper-intellectualisées et actives dans lesquelles nous évoluons le favorisent grandement. Mais nous ne le sommes que momentanément. Heureusement pour nous, nous nous reconnectons régulièrement avec nos ressentis, nos émotions que ce soit par le biais des relations affectives ou des activités propices à cela (promenade, méditation, pratiques artistiques : musique, cinéma, créations diverses, etc.).
La dépression se caractérise elle par une déconnexion profonde, durable et permanente d’avec nos ressentis. Se sentir vivant-e, avoir de l’énergie, des envies, de l’enthousiasme, mais aussi aimer, relationner, prendre soin de soi et des autres, etc. : tout cela demande d’être en lien avec son ressenti intérieur et ses émotions qui nous fournissent cette vitalité et cet élan de vie nécessaires. Coupé-e de nos ressentis, nous perdons donc tout cela dont le manque caractérise bien la dépression.
Notons ici que le Burn-out qui recouvre bien des symptômes et processus décrits ci-dessus constitue bien une sorte bien une dépression mais cependant avec une dimension particulière puisqu’il s’agit d’une dépression par épuisement, souvent d’origine professionnelle. Nous développerons cette approche du burn-out dans un autre article à venir.
Si nous revenons à notre sujet, il faut ici alors se demander pourquoi donc à un moment donné cette coupure si elle peut être récurrente mais heureusement ponctuelle chez la plupart d’entre nous devient durable, profonde et permanente chez d’autres, provoquant ainsi la dépression ?
La première raison semble être une incapacité à intégrer psychiquement un évènement qui traverse la personne concernée. Incapacité car l’évènement porte en lui quelque chose de trop violent, de trop traumatisant, de trop insécurisante pour elle. C’est ici une question de survie psychique. Cela peut être une agression physique ou psychique intense, ou toute autre une information qui menace trop fortement le système psychique mis en place par la personne. Ce n’est pas à proprement parler l’évènement en lui-même qui provoque la dépression et cette coupure mais bien l’information qu’elle contient et qui est ingérable, inassimilable pour elle. C’est ce qui explique que pour certaine personne un même évènement et l’information qu’elle contient pourra très bien être assimilée et n’aura donc pas les mêmes effets sur elle.
Dans la situation où cela n’est pas assimilable, souvent la seule stratégie possible est la mise à distance de cette information par coupure : on se coupe de ses ressentis pour ne pas recevoir cette information qui reste alors comme en attente. On parle parfois de sidération pour évoquer ce moment du processus. On se fige, on se bloque. Cela se traduit physiquement a minima par un blocage de la respiration qui va bloquer l’énergie informationnelle provenant du ventre pour qu’il n’atteigne pas notre Cœur, zone où réside notre conscience.
La difficulté de cette stratégie est que si elle nous sauve momentanément d’un choc trop violent ou même d’un effondrement psychique, elle va avoir des conséquences importantes par la suite. En effet, une fois sorti de cette sidération, de ce moment de blocage par coupure, la situation de blocage risque de se reproduire dès que l’on aura besoin ou voudra se reconnecter un peu profondément à sa sphère émotionnelle ou sensitive. En effet, dans les situations où l’on devra aller vers son ressenti, où l’on voudra ressentir une émotion, l’information inassimilable et en attente va en quelque sorte « se pointer » de manière opportuniste, voulant elle aussi- être ressenti ou entendue. Se sentant à nouveau menacée, la personne en question va devoir à nouveau remobiliser ce blocage par protection. Ce faisant, elle s’éloigne alors un peu plus de son ressenti et pressent le danger à ressentir à nouveau fortement des choses. Au fil de la répétition de ces expériences sensitives inévitables mais désormais menaçantes, cela demandera de renforcer un peu plus ce blocage et de s’éloigner toujours plus de ses ressentis.
Et c’est pour cela que la dépression est une chose qui s’installe au fil du temps. Il y a certes un évènement ou un contexte qui provoquent un premier blocage. Mais c’est la menace de se voir à nouveau au contact de cette information psychiquement inassimilable et inassimilée à chaque expérience un peu forte dans notre vie sensible ou émotionnelle qui va nous obliger s’en détacher toujours un peu plus jusqu’à ne plus y avoir accès : la dépression est alors installée.
La sortie d’une dépression demande également du temps car il faut en quelque sorte faire le chemin inverse : petit à petit se reconnecter à ses ressentis et à ses émotions en travaillant à la fois à sécuriser le contexte de vie de la personne et évidemment à l’aider avec la douceur et les précautions nécessaires à pouvoir assimiler l’information qui n’a pu l’être initialement. Le Shiatsu par la reconnexion douce au corps et à ses ressentis et la sensation de sécurité qu’il produit est un outil intéressant pour ce travail sur la dépression.
Il existe une autre sorte de dépression bien décrite dans le livre de Alexander Lowen, « La dépression nerveuse et le corps » : il s’agit de la dépression par effondrement psychique qui ne concerne pas tant un évènement ou un contexte portant une information inassimilable que l’échec d’une stratégie de défense. Lowen parle de « la fin d’une illusion ».
Cette illusion est la croyance que la stratégie de défense mise en place lors de la construction de sa propre personnalité face à une détresse souvent ressentie pendant l’enfance saura nous sauver. A un moment donné, cette stratégie de défense ne va plus pouvoir fonctionner pour des raisons différentes : l’âge avançant, nous n’avons plus assez d’énergie pour nourrir cette machine énergivore qu’est ce système de défense comme par exemple celui d’être un gentil garçon ou gentille fille, un ou une professionnel-le reconnu-e (comme c’est la cas parfois à la suite d’un burn-out).
Il n’est pas rare que cela arrive à la suite du décès d’un parent rendant caduque l’attente d’attention et d’amour depuis l’enfance. L’illusion « tombe » alors et tout ce qu’on avait investi en énergie, en disponibilité, en efforts, en ressources, etc. pour la mettre en œuvre et la maintenir perd toute consistance. C’est également le monde qu’on avait construit pour faire vivre cette illusion qui s’écroule. On se retrouve alors devant un vide, un gouffre face auquel on ne sait pas se positionner. Ce qui donnait sens à notre vie perd tout fondement. Cette dépression est plus complexe, plus difficile car elle travaille sur les fondements de la construction psychique de la personne ou plutôt de ses systèmes de défense.
Un jour notre vieux système de défense ne tient plus…
Mais là-aussi le chemin de reconstruction passe par le retour à soi, de la reconstruction d’un lien à soi, pour réapprendre petit à petit à vivre et à agir à partir de son soi véritable, celui qui apparaît dans l’écoute et la reconnaissance de ses ressentis et émotions. Bien sûr, souvent un traitement psychotrope (anti-dépresseur) est nécessaire pour réduire la souffrance psychique et « émousser » des ressentis trop difficiles. Mais ce traitement devra s’accompagner également d’un travail thérapeutique dont le but sera d’une part de prendre le temps comprendre, de percevoir, de ressentir la blessure originelle. Cela permettra de désamorcer en quelque sorte cette nécessité qui a été au principe de la construction de ce système de défense et de cette illusion.
Ce travail thérapeutique aura aussi pour but d’autre part de reconstruire une manière d’être au monde et d’y agir qui ne se construise plus autour de ce système de défense mais sur la véritable présence à soi, sur la connexion à ses ressentis et émotions, expression de son soi véritable. Lowen parle de « retrouver « la foi ». Il entend ici, non pas la foi d’ordre religieux mais la foi en la vie qui se produit lors de la connexion à soi, à son noyau sain, à cette vitalité intacte qui nous donne dès que la touche, dès qu’on s’y reconnecte, cet élan de vie, cette envie de vivre…
Recontacter son noyau sain ou retrouver la Foi