Se connecter à soi

Se connecter à soi

« Se connecter à soi » : cette injonction souvent énoncée avec évidence fait partie de ces expressions récurrentes dans le monde du soin et du bien-être. Elle peut pourtant laisser pantois et interrogatives les personnes qui découvrent ces questions. Parce que l’Automne est la saison propice à ce processus intériorisation , nous avions eu envie de nous arrêter un peu sur cette expression. Car en effet, que veut dire précisément « se connecter à soi » ? : après tout, nous ne sommes pas une box internet pour vouloir ainsi se « connecter »! Et se connecter où et à quoi et comment ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons mené l’enquête pour vous…


Se connecter mais où ?

La première question qui se pose logiquement quand il est question de se connecter à soi est le lieu de cette connexion : on se branche sur quoi ? Évidemment la réponse est en partie contenue dans cette expression : on se connecte à soi. Une fois cette évidente énoncée, une seconde arrive de suite : mais où donc se trouve le soi ? Pour peu qu’on se soit essayé à la méditation, nous savons que le lieu du soi est à l’intérieur de nous. Se connecter à soi, c’est porter son attention à l’intérieur de nous. La dimension interne rejoint ici la réflexion sur la différenciation d’un espace interne et d’un espace externe produit par toute frontière (voir le texte ici). Et ce n’est pas un hasard si la respiration est l’outil privilégié pour la pratique de la méditation, la respiration mise en œuvre par le Poumon.


Les personnes initiées à la méditation connaissent un problème insistant quant à cet espace interne, elles savent même que « Le » problème  de la méditation : dès que l’on cherche à se concentrer à un endroit à l’intérieur de nous, nous sommes comme éjectée de cet intérieur et nous nous retrouvons soudainement en train de penser à quelque chose que l’on pressent bien éloignée de cet espace interne : nos tracas du jour, l’avenir du monde, le mail que l’on doit envoyer, cette situation qui nous a énervée… Le cœur de la méditation étant de prendre conscience de ce mouvement et de chercher à revenir sans cesse dans cet espace intérieur.
Bref, se connectée à soi, c’est chercher à se connecter à un espace que l’on pressent « interne » mais qui résiste bien souvent à accueillir notre volonté de « connexion ».


Mais qui se connecte (c’est qui l’opérateur ?) ?

Une nouvelle question un peu embêtante vient se poindre : mais qui se connecte ? Grande question là aussi. Dans la tradition méditative, le « Qui » est la conscience, c’est-à-dire ici notre attention : on se connecte en portant notre attention sur cet espace intérieur. Il ne s’agit pas réellement de concentration (qui a plus liée à avec le mental et la volonté). L’expression la plus juste est effectivement l’attention, car l’opération ici est juste de « porter notre attention ». Certaines traditions parlent de « regard intérieur » pour expliquer ce mouvement comme si nous regardions à l’intérieur de nous-mêmes. On y ajoute souvent un sourire pour regarder cet intérieur de manière bienveillante et détendue. On parle alors de « sourire intérieur ». Si ces réponses sont un peu « molles », un peu « floues » pour un esprit se déclarant « cartésien », elles sont en tout cas indéniablement les plus justes pour les habitué-e-s de la méditation.


Se connecter mais à quoi ?

On sait un peu très où se connecter (l’espace intérieur), même si ça résiste… On sait un peu près qui se connecte (notre conscience ou notre attention). La question qui se pose est donc maintenant mais à quoi ? Au « Soi » peut-on répondre.. Mais alors de quoi est fait le « Soi » ? « Très bonne question là encore » peut-on encore répondre sans chercher à l’esquiver… A défaut de définir précisément le « Soi », on peut préciser à travers quoi il nous parvient, à travers quoi on le saisi.


Nous percevons notre « Soi » à travers notre ressenti qui se compose de nos sensations et de nos émotions (qui sont des sensations caractérisées que l’on reconnaît plus facilement). C’est pour cela que les méditations guidées regorgent de «que ressentez-vous ? », « laissez circuler vos sensations », « accueillez vos émotions». A l’inverse, ce que l’on va chercher à éviter, ou plutôt à ne pas alimenter, ce sont nos pensées (qui s’opposent en cela à nos sensations). On cherche plutôt à « les laisser passer comme les nuages dans le ciel », nous disent les Sages.


Ainsi, notre « Soi » à plus rapport avec la sphère sensitive que celle du mental. Et que fait-on avec une sensation ou une émotion qui compose cette sphère sensitive ? Hé bien, on la ressent tout simplement. Elles sont d’ailleurs faites pour cela : une sensation, une émotion, c’est fait pour être ressenti. Si au contraire, on commence à les penser, elles changent du tout au tout et deviennent alors un sentiment. On passe alors d’un mode « sensitif» à un mode « mental », ce qui ne produit pas du tout la même chose…


Se connecter pour quoi faire ?

Mais restons sur ces ressentis à travers lequel on perçoit notre « Soi ». Et finalement, ça sert à quoi tout ça ? Ressentir nos sensations et émotions nous permet d’avoir accès à l’information qu’elles contiennent. Quand je ressens de la peur, j’ai accès à une information essentielle, importante pour moi : de prendre conscience que mon besoin de sécurité est en difficulté. Cette prise de conscience est importante : c’est elle qui me permettra d’élaborer des stratégies d’action pour restaurer mon besoin de sécurité. Et donc finalement de maintenir mon équilibre interne (ce que l’on appelle aussi l’homéostasie) et l’intégrité de mon « Soi » non seulement sur le plan physiquement mais aussi psychique, existentiel.


A l’inverse, ne pas ressentir, c’est risquer de ne pas être alerté que mon intégrité est mis à mal… C’est ce qui s’est passe notamment en cas de burn-out : à force de répondre à la demande extérieure (toujours plus de travail, d’effort, de mobilisation, etc.) sans écouter ses ressentis et émotions, nous mettons en danger l’intégrité de notre « Soi » qui à un moment donné en réaction bloque notre capacité d’action lorsque qu’il est trop en danger.


Ça c’est pour le côté prévention, pourrait-on dire… Mais il y a plus important : l’information que nous recevons quand nous ressentons sensations et émotions ne permet pas seulement de sauvegarder notre soi. Il permet aussi surtout de nous donner les informations pour qu’il se déploie, qu’il développe ses potentialité, qu’il se réalise, si l’on utilise les différents vocables pour décrire cela… Ou autrement dit, qu’il nous donne les informations pour bien conduire sa vie et faire les bons choix… Et si l’on suit cela, notre « Soi », sympa, nous informe en retour qu’il est satisfait, content ou même radieux : il nous envoie joie, vitalité, confiance, sérénité… De quoi nous convaincre de se « connecter à soi » le plus souvent possible…



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