Cuit ou cru ? Telle est vraiment la question ?

Cuit ou cru ? Telle est vraiment la question ?

La célèbre maxime d’Hippocrate « Que ton aliment soit ta seule médecine » ou parmi d’autres exemples, le fameux livre de Jane Goodall « Nous sommes ce que nous mangeons » nous rappelle que l’alimentation est un enjeu essentiel pour notre santé.

Pourtant, il est parfois difficile de s’y retrouver tant les orientations, principes, règles et autres conseils alimentaires ne s’accordent pas nécessairement entre eux. Dans ces différentes approches, il existe un dilemme particulièrement aiguë et complexe et auquel les praticien-ne-s doivent répondre régulièrement en cabinet : faut-il manger cru ou cuit ? C’est à cette opposition à première vue indépassable que nous allons nous consacrer dans cet article.

Dépasser cette opposition demande de faut prendre un peu de recul et resituer dans leur histoire ces deux orientations qui à première vue s’opposent frontalement. Cela nous nous permettra d’en dégager un positionnement, je l’espère, souple, adapté et sans dogmatisme permettant à chacun-e- de faire ou plutôt de composer des choix personnels en la matière. Et éviter comme il arrive parfois, de délaisser finalement la problématique alimentaire face aux contradictions qui semblent insurmontables.


« Mon naturopathe me dit de manger cru alors que mon acupunctrice me dit le contraire ! Que dois-je faire, je suis perdu-e ! »

Cette opposition entre le Cru et le Cuit se rencontrent notamment lorsque les personnes désirantes d’améliorer leur santé par l’alimentation se trouvent perdues et désorientées à la suite de consultations – ou de lecture d’articles – auprès de praticien-ne-s d’une part en naturopathie et d’autres part, en médecine chinoise traditionnelle. Ces deux courants divergent en effet radicalement sur cette question, les premiers mettant l’accent sur le « Cru » alors que les seconds mettent l’accent sur une alimentation cuite pour retrouver la santé.

Qui croire alors, puisque ces deux orientations, a priori, ont toutes deux des argumentations construites et pertinentes sur la question ? Dépasser cette opposition nécessite un détour historique pour chacune de ces orientations thérapeutiques ; détour qui nous permettra de comprendre les enjeux sous-jacents qui qui furent au principe de leur élaboration respective.

En diététique chinoise, une priorité donné à la la santé des organes de la digestion

La médecine chinoise traditionnelle sur laquelle se fonde la plupart des acupuncteurs et acupunctrices exerçant en France se présente comme plurimillénaire. A ce titre, on pourrait dire qu’elle en impose. Dans sa partie diététique, elle énonce donc ce principe important qui est celui de manger chaud et cuit. La compréhension de ce principe impose de comprendre la notion de « Feu digestif » qui lui est attaché.

Dans la médecine chinoise traditionnelle, la santé des 12 principaux organes est au cœur de la thérapie: si ces organes fonctionnent correctement, alors notre corps sera lui aussi en bonne santé. A l’inverse, si l’un de ces organes est défaillant, alors il est peu probable que sur le moyen terme – et qui plus est à long terme, nous conservions notre état de santé et de vitalité. C’est l’orientation général de la médecine chinoise traditionnelle. Comment ce principe se traduit-il alors pour la digestion ?

Prendre soin de son Feu digestif

La digestion en Médecine Chinoise Traditionnelle est considérée comme une cuisson. Ainsi, bien digérer se résume à bien « cuire » son bol alimentaire. Et pour cuire, nous le savons, il faut de l’énergie. D’où vient donc cette énergie de cuisson ? Elle est fournie par les organes qui ont en charge de cette digestion : l’Estomac mais en premier lieu,mais surtout la Rate/Pancréas (Rate et Pancréas sont considérés comme un seul organe en médecine chinoise). Ainsi, plus la Rate/Pancréas possède une bonne énergie disponible pour cuir le bol alimentaire, meilleure sera la digestion. La qualité et la quantité de cette énergie disponible pour « cuire » le bol alimentaire est appelée « Feu digestif ». Bref, en diététique chinoise, ce qui est cherché à être entretenue et préservée, c’est la qualité de ce « Feu digestif « .

La digestion en Médecine Chinoise Traditionnelle est considérée comme une cuisson. Ainsi, bien digérer se résume à bien « cuire » son bol alimentaire. Et pour cuire, nous le savons, il faut de l’énergie. D’où vient donc cette énergie de cuisson ? Elle est fournie par les organes qui ont en charge de cette digestion : l’Estomac mais en premier lieu,mais surtout la Rate/Pancréas (Rate et Pancréas sont considérés comme un seul organe en médecine chinoise). Ainsi, plus la Rate/Pancréas possède une bonne énergie disponible pour cuir le bol alimentaire, meilleure sera la digestion. La qualité et la quantité de cette énergie disponible pour « cuire » le bol alimentaire est appelée « Feu digestif ». Bref, en diététique chinoise, ce qui est cherché à être entretenue et préservée, c’est la qualité de ce « Feu digestif « .

Et comment faire cela ? Le moyen le plus efficace est tout simplement de limiter l’apport d’énergie nécessaire pour cette cuisson. Une alimentation chaude et déjà cuite demandera ainsi nettement moins d’énergie à la Rate/Pancréas pour cette action de cuisson qu’une alimentation crue, froide et humide ; humidité qui comme chacun sait, tend à nuire au Feu. C’est en quelque sorte aussi simple que cela.

On comprend ainsi bien ici la logique qui préside à cette règle diététique en médecine chinoise qui consiste à privilégié une alimentation cuite : préserver au mieux le « Feu Digestif ». Et c’est donc cela qui poussent les praticien-ne-s en médecine chinoise à privilégier le cuit (et le chaud) sur le Cru.

La naturopathie et l’alimentation vivante

Même si la naturopathie n’as pas la même longévité que la diététique chinoise, elle a déjà une longue histoire qui lui donne un sens profond et actuels par rapport aux enjeux environnementaux et de santé public et cela bien au-delà des attaques malveillantes et à charge qu’elle a subi dernièrement.

Certains la font remonter à Hippocrate mais la naturopathie en tant que telle se crée aux États-Unis au début du 20ème siècle dans la suite du mouvement dit de la médecine éclectique qui a recourt à de nombreuses approches traditionnelles venues de l’Europe, d’Asie et des peuples amérindiens, développant ainsi une panoplie de préparations d’herboristerie populaires auprès des médecins de l’époque.

Benedict Lust (1870-1945), un médecin, ostéopathe et chiropraticien, fonde ainsi officiellement en 1902 à New Yord la première école de naturopathie où l’on y enseigne notamment l’hydrothérapie, l’herboristerie, la nutrition, la physiothérapie, la physiologie, la psychologie. On assiste alors à un développement et une effervescence dans ce domaine quelque peu oublié aujourd’hui.

Mais cet essor va rapidement stoppée par le développement et la volonté de domination sans partage d’une médecine davantage axée sur les interventions chirurgicales dites « lourdes » et sur les médicaments de synthèse issus de l’industrie pharmaceutique naissante. Elle impose rapidement que seuls les médecins formés dans les facultés de médecine soient autorisés à diagnostiquer et à traiter les maladies. Ce cadre législatif restrictif aboutira à la fermeture de la majorité des écoles naturopathiques.

Mais l’histoire de n’arrête pas là puisque, dans les années 1970, avec la conscience écologique grandissante et la critique des effets néfastes du tout industriel tant au niveau de la planète que sur la santé des individus, la naturopathie connaît sur sorte de seconde naissance et reprend son essor.

Cette régénérescence partie des États-Unis s’est étendue depuis rapidement en Europe et dans la plupart des pays au point qu’en 2001, l’OMS la reconnaît comme comme la troisième médecine traditionnelle aux côtés de la médecine traditionnelle chinoise et de l’ayurvéda.

L’alimentation vivante

Cette histoire rapidement brossée ici explique l’importance de la dimension à la fois holistique (dimension environnementale, conception globale de l’individu non réductible à un simple organisme) et individualisée de cette discipline ainsi que son principe de trouver des ressources prophylactiques et curatives directement dans des éléments puisés le plus directement dans la nature (herboristerie, tisanes, aromathérapie, gemmothérapie, homéopathie, etc.).

En Europe, ce courant a été également marqué par des figures extérieures mais influentes comme celle du Docteur Kousmine qui travailla dès le milieu du XXème siècle à établir le lien entre l’alimentation industrielle et le cancer ainsi que l’importance des oméga 3 et de l’hygiène intestinale. Elle développa ainsi toute une approche thérapeutique autour de 5 piliers avec une importance centrale donné à une alimentation vivante (en opposition à ce qu’elle nommait une « alimentation morte » issue de l’industrie agro-alimentaire).

L’importance de manger cru est centrale dans cette alimentation vivante par le fait que la plupart des modes de cuisson (impact du temps et de la température de cuisson) mettent à mal la dimension vivante de la nourriture.

Observons aussi la place faite à une alimentation vivante dans la naturopathie s’éloigne ainsi des principes diététiques classiques (une alimentation appréhendée principalement au travers de la macro-nutrition du triptyque Glucides- Protéines – lipides et de ses effets négatifs sur la glycémie). La micro-nutrition y a aussi une place de choix (vitamines, oligo-éléments) ainsi que l’importance du nettoyage du corps (jeûne, hydrothérapie).

Mais retenons surtout, en ce qui concerne la problématique alimentaire que c’est une alimentation vivante qu’il s’agit de préserver, notamment en la mangeant la moins dénaturée possible, donc le plus possible crue. Ici réside donc la conviction de l’importance de manger Cru.

Cru ou cuit : choisir la voix du milieu !

Là où nous en sommes dans notre cheminement, nous comprenons maintenant que cette opposition du Cru ou du Cuit résulte en vérité d’histoires différentes.Mais surtout, l’histoire respective de ces deux courants nous a permis de bien situer les enjeux sous-jacents à ces orientations. Cette compréhension de ces enjeux sous-jacents constitue le chemin opportun pour composer une voie que l’on pourrait qualifier de médiane dépassant cette opposition initiale. C’est le chemin que nous allons emprunter.

La diététique chinoise nous enseigne l’importance du fonctionnement des organes : même si nous mangeons de manière parfaite d’un point de vue naturopathique, nous ne pourrons profiter de cette qualité alimentaire que si nos organes digestifs (principalement la Rate/pancréas) fonctionne correctement, ou en d’autres mots si nous avons un bon « Feu Digestif. ».

La première chose à faire est donc de se questionner sur notre capacité digestive : les symptômes sont ici faciles à identifier : ballonnement, fatigue après les repas, gaz et flatulences, selles molles, sensation de froid dans le ventre. Ces symptômes qui désignent un vide de Qi de la Rate/pancréas indique qu’il nous faudra privilégier urgemment une alimentation chaude et cuite le temps qu’il faudra pour restaurer un feu digestif convenable. On pourra alors revenir de manière progressive vers une alimentation plus crue en maintenant la qualité de ce « Feu digestif ».

Nous pourrons aussi aider ce « feu digestif » à se restaurer et à l’entretenir par le choix des aliments. En effet, il n’est pas seulement question de cuisson en diététique chinoise, il importe aussi de considérer la qualité des aliments selon leur nature. En diététique chinoise, les aliments sont en effet classés selon une typologie du chaud au froid en passant par le tiède, le neutre ou l’humide. Ces différentes qualités d’aliments vont avoir toutes une action différente sur ce Feu Digestif : un aliment chaud demandera ainsi a priori moins d’énergie à la Rate qu’un élément froid pour être digéré.

Mais manger trop d’aliment chaud s(viande rouge par exemple) pourra aboutir à trop de Chaleur dans l’Estomac (brûlures d’estomac etc.,). Manger des aliments chauds n’est donc pas non plus la solution à toutes les situations. Consommer des aliments neutres qui ne sont ni trop chauds, ni trop Froids, comme le riz ou la pomme de terre, rendront la digestion plus facile et prendront donc soin de ce Feu digestif.

La saison intervient également grandement dans ce domaine et détermine le choix des aliments alors à privilégier. L’été, saison chaude, nous pourrons prendre un peu plus d’écart par rapport à cette règle du cuit et du chaud : la chaleur saisonnière estivale pourra compenser en quelque sorte ce froid apporté par une alimentation crue (les crudités passent bien l’été). A l’inverse, durant l’hiver ou l’automne, il sera tout à fait préjudiciable de manger froid et cru car notre organisme devra lutter à ce moment-là contre deux sources de froid : le froid de la saison et le froid provenant de l’alimentation. Rien de tel qu’un bon repas chaud et cuit pour combattre le froid hivernal et prend soin de son « Feu digestif ».

Une autre règle de la diététique chinoise qui rejoint à la fois la naturopathie et l’urgence environnementale est la saisonnalité des aliments : il faut manger des légumes et des fruits de saison. Car ils nous apporte l’énergie de la saison dont nous avons besoin à ce moment-là nous dit la diététique chinoise ; car seuls les légumes et fruits de saison nous garantissent une vitalité correcte et une alimentation saine sans pesticides, ni engrais lorsque nous la choisissons bio (la diététique chinoise au cours son histoire ne connaissait ces considérations….) .

De plus, il existe également tout un tas de stratégies qui permettent de réchauffer un plat ou un repas : la vinaigrette sert à « réchauffer » les crudités par nature froides et humides (mais pleines de vitalité). Le gingembre, les piments – modérément – pourront réchauffer aussi les plats froids. Un verre de vin rouge réchauffera de même le repas ainsi qu’une grande tasse de thé chaude en fin de repas augmentera la chaleur globale du repas. Comprenez qu’il faut oublier par contre les glaces concentrant froid, sucré et produits laitiers difficiles à digérer… La cuisson au wok également sera intéressante en garantissant par sa rapidité et son mode la conservation des vitamines à l’intérieure des aliments. Elle est donc à privilégier lorsque nous devons cuire nos aliments.

La dimension individuelle doit aussi être respectée : la diététique chinoise sera d’accord avec cela pour la simple raison que chaucun-ne d’entre nous possédons un « Feu Digestif » différent.

Peut-être est-il à peine utile d’insister sur la dimension holistique commune à ces deux courants. D’autres éléments interviennent sur la digestion. Pensons à nos émotions, à notre état d’esprit général, notre fatigue intellectuelle (l’activité intellectuelle intense fatigue la Rate/pancréas), au niveau de stress qui nous pousse souvent aux compensations sucrées (sucre, omniprésent dans nos vies modernes et industrielles, qui épuisent là aussi la Rate/Pancréas), aux ruminations (même effet sur la Rate/pancréas). Bref, à tous ces éléments qu’il faudra apprendre à mieux appréhender pour qu’ils n’interviennent pas négativement sur notre capacité digestive…

Au terme de cette réflexion, une fois assouplie cette opposition initiale du Cru et du Cuit à l’aide d’une courte lecture historique, nous entrevoyons plus facilement le chemin à suivre dans les règles que l’on peut se fixer quant à notre alimentation.

Et nous pouvons même constater finalement pour ces deux courants davantage de points communs, de convergences que d’oppositions indépassables…



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